Dimanche arrive, Pagu part déjeuner chez son ami; il voulait lui préparer un repas marrocain, pour son retour de vacances. Elle sait que leurs retrouvailles seront difficilement simples, compte tenu de l' e.mail qu'elle avait envoyé et de sa franche disposition à mettre cartes sur table. Elle ne voulait plus de cet homme, mais ressentait le besoin de lui expliquer les étapes de souffrance par lesquelles elle était passée, et comment elle accompagnais, depuis maintenant huit mois, leurs différents voyages.
Ce matin, au réveil, elle ne se sentait pas jolie, elle n'avait pas encore maigri de tout ce qu'elle comptait perdre. Ses cheveux en revanche, ont bien poussés, elle n' avait plus la tête de février, quand le ciel lui est tombé dessus, plus tous les satellites qui flottaient dans ses airs. Même si tout allait beaucoup mieux, elle trouvait que Sissi la battait de 10 à 0, et qu'elle allait devoir regarder en face le mec qui l'a baisée pendant un mois d'affilé, et qui maintenant déjeune avec elle comme si de rien était.
Une fois chez lui, elle sent la tension monter, elle n'a pas envie de parler la première et de ramener l'histoire à nouveau sur le tapis, mais il faudra quand même, à un moment, que les choses soient dites clairement, et sans détour.
Après le repas ils tentent d'aborder l'immense contenu du mail qu'il avait reçu, et qu'il avoue ne pas avoir relu , tellement il lui semblait difficile et embarrassant. Tant pis, elle pense, ce n'est pas un traité philosophique, c'est juste un cri de désespoir suivi d'une tentative de reconstruction narcissique. Elle se trouvais plus bas que terre, de toute façon, rien ne serait plus pénible à vivre que la chimio et leurs échanges sur les forums, avec leurs photos de vacances en prime et en décor.
Ces instants insolites et ces minutes interminables la font réfléchir sur le pourquoi est- elle venue, pourquoi a-t-elle accepté cette invitation ? Lui, il est dans son élément, persuadé comme toujours d'avoir raison, et en plus, ils sont chez lui ! Rien dans cette configuration n'est fait pour la mettre à son avantage. Il faudra songer à partir, à sauver sa peau, vite !
Ils ont bu, et l'alcool rend les choses plus faciles à dire.
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Ils parleront pendant des heures, elle pleurera, elle aura envie de partir, puis de rester, il la prendra dans ses bras dans une sorte d'enlacement sans issue possible. Il l' embrassera, puis elle le poussera; il la serrera fort pour l'embrasser sur la bouche, dans un baiser langoureux . C'est encore dans les bras de Pagu qu'il est bien, et il le fera savoir, sans aucune pudeur
Elle va le haïr durant les mois à venir, avec toutes ses tripes et avec une puissance insoupçonnable, elle lui écrira des courriers d'une violence effrayante, auxquels il ne répondra pas. Petit à petit, Pagu devient une autre femme, amère, sèche, avec ce désir de vengeance comme jamais éprouvé auparavant. Encore plus fort qu'en mars après leur décision de séparation définitive. Elle va descendre au fond de son désespoir pour remonter avec une certitude, la seule qu'elle a envie de garder, depuis le début de sa maladie. Elle ne l'aime plus, cet homme ne l'intéresse plus, cette femme autrichienne ne l'intéresse plus, leurs vies ne l'intéresse plus, ce qu'ils se disent ou se font ne l'intéresse plus.
Cependant, l'instinct Vengencebrune, qui vit en elle depuis cette fatidique matinée devant la glace de la salle de bain, n'est pas complètement satisfait. Il n'est pas impossible que Pagu ne puisse plus contrôler cette folle énergie destructrice, et cela la dérange un peu. Quelque part en elle, Pagu sait que tant de haine ne peut disparaître par enchantement, et que même si tout semble l'acheminer vers l'indifférence, cela lui arrive encore de pleurer en silence, quand la lumière s'éteint, et la nuit occupe sa chambre.
Plus tard, elle décidera de partir dans son pays pour passer quelques temps de vacances,au soleil. Pagu ne veut plus aimer. Seulement faire l'amour, car cela reste une source de bien - être auquel elle ne peut et ne veut nullement se refuser. Elle a un amant , qu'elle voit de temps à autres, mais qu'elle garde à distance de peur de retrouver de vieux ressentiments. La vie prend un nouveau visage, avec des moments de rechute, mais avec des moments de stabilité, de plus en plus fréquents. Elle pense qu'elle est , définitivement, sur la bonne voie.
